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1 :: 20/12/07 :: 01:40 :: nanou
Les battages...

Autrefois moment de fête dans les fermes





Les poules traînent dans les jambes de tous ces hommes, les chiens aboient heureux de voir tant d'agitation et de recevoir tant de caresses d'un coup, les oiseaux piaillent et font des piqués en nombres incalculables, attiraient par le grain et essayant en vain d'en voler au passage, ce manège durait déjà depuis que le gerbier était monté, les vaches brament, pas contentes d'être délaissées dans le pré, tout est un peu livré à lui-même, à la ferme , le temps n'est plus qu'à cet événement…le dépiquage.
Certains hommes sifflent, ou chantonnent, ils ont le ventre réjouit, maman leur avait préparé un bon déjeuner, soupe, tripoux, saucisse, jambon, un vrai festin où il n'y a que le choix, et le chabrot pour terminer le tout, la journée ne sera qu'abondance, même chez nous qui avons si peu, maman a fait beaucoup pour ce jour là et tous le savent et adorent notre maison et son accueil, ils y viennent de loin sans rechigner.
De notre côté ma sœur Claudine et moi-même mettons du cœur à l'ouvrage, nous aidons maman , nous avons mis la table, le pain, le vin, l'eau dessus, puis à chaque déjeuner à servir, nous le faisons, car le matin ils arrivent par petits groupes, les deux autres repas se feront tous ensemble, la cave tremble de tant de sons , de tant de voix, de tout ce qu'elle va vivre dans une si belle journée.

Papa vient à son tour avec ses ouvriers prendre son déjeuner. Ensuite, il va mettre tout le monde à son poste et démarrer le tracteur, mais là, c'est plus fort que tout, tous abandonnent provisoirement leur poste et viennent se rassembler autour de lui, et propose leur aide pour démarrer l'engin, et surtout entendre de près le moindre bruit de la machine, ne rien louper de ses battements, papa chauffe la boule à la lampe, et il se met à un volant sur le côté, attrape une tige de fer, de l'autre côté un homme procède de même et sur l'ordre de papa, ils lancent au même rythme les gros cylindres ou volants, les basculent à l'inverse et reviennent et ce de plus en plus vite et hop le premier pet, première étincelle de vie et le tracteur s'ébranle, se secoue, sa fumée s'élève, il rugit enfin, il faut voir les yeux de chacun, émerveillé comme des enfants devant un nouveau jouet.


Je dois avouer que moi-même, je ressens encore au fond de moi avec beaucoup d'émotion, ce frisson rien qu'à cette pensée.
Aussitôt, chacun part vite reprendre son endroit désigné, les uns grimpent aux échelles, d'autres prennent les fourches, d'autres les sacs qu'ils installent, et le tracteur accélèrent et tout commence à se mouvoir, dans un bruit qui devient rapidement assourdissant, les premières gerbes montent sur le monte gerbe et déjà les bras se tendent pour les attraper, un coup d'Opinel par-ci, de Laguiole par là, ou un Sauveterre, pour libérer le blé de son étreinte, et il est avaler délicatement par la batteuse gourmande. Tout en bas des plateaux bougent, à l'arrière, ils attendent avec impatience d'ouvrir les trappes pour vider les premiers grains dans les sacs, la paille commence à sortir et tomber sur le sol ou les fourches l'empoigne pour la mettre dans la botteleuse, une poussière s'élève tout doucement comme si la machine s'ébrouait….et tout n'est plus qu'un enchaînement d'actions bien programmées.

Ma sœur et moi avons quitté la maison, où il n'y a plus de travail pour nous, maman est aux fourneaux à cuire les rôtis, les volailles, les légumes, fait sauter les pommes de terre, surveille les cèpes, et girolles, elle avait déjà fait les desserts la veille, tartes aux pruneaux et tartes à la crème, échaudés trempés dans le vin sucré…
Alors nous descendons pour donner à boire à tous, il faut passer sans cesse à chacun, laver les verres, veiller à mettre les bouteilles dans l'eau fraîche du puit, papa n'aime pas que cela manque. La poussière, les "espigots", la chaleur étaient déjà bien assez pénible, il ne fallait pas manquer de les désaltérer pour nettoyer et rafraîchir tout cela.
La poussière fine commençait à se coller à leurs joues, sous les yeux, sur les bérets, sur les épaules, leurs yeux devenaient par ce déguisement tellement plus bleus pour certain, tellement plus beaux. Ceux de papa prenaient la couleur de la mer, ils étaient magnifiques.


Ils arrêtaient pour le repas de midi, s'ils n'étaient pas en retard, frottaient leur visage avec le mouchoir pour le dépoussiérer, allaient à l'immense bassine pour se laver les bras et les mains et se rinçaient dans une autre, d'eau claire, tout aussi grande , qui devenait savonneuse pour les derniers.
Puis, tous de monter vers la maison qui était à cinquante mètre de là, le tracteur était arrêté, il allait se poser un peu, des nuées de petits moineaux et mésanges, ne perdent pas de temps et tombent sur le sol ou le "plantchoun" bien entamé, les pigeons viennent aussi festoyer avec eux.
Chacun son repas, les chiens suivent les hommes, la queue agitée, marque la joie du futur festin, des morceaux tomberont bien des tables, ou des mains généreuses, donneront bien un morceau de temps à autre si on insiste un peu d'un coup de museau ou de patte.
Tout le monde va y trouver son bonheur je crois.
Les dépiqueurs s'assoient sur les bancs, et prennent ainsi place aux tables, se mettant par famille ou connaissances, chacun sort son couteau, dont il ne se sépare jamais, un Opinel, Laguiole ou Sauveterre, et quelques un se dévouent et découpent dans les miches de pain fraîches et tendres qui sentent bons, de grandes tranches que d'autres distribuent. Ma sœur et moi-même veillons, durant le repas, à ce que les verres soient toujours pleins de vin ou d'eau suivant les choix, c'était notre travail. Et nous descendons de la cuisine qui est à l'étage, les plats et remplissons les assiettes. Les discussions, les rires fusent, peu s'aperçoivent de notre existence, dans tout ce bruit, et la joie de se retrouver, sauf les membres de notre famille .
Une heure et demi plus tard environ, après un bon dessert et café, tous se relèvent, un peu engourdit déjà et le ventre un peu lourd d'avoir trop mangé, ils reprennent le chemin de la grange et du "sol", où déjà le tracteur était sorti de son repos, la machine était à nouveau en mouvements, et tout n'attendait plus que les hommes aux postes fixés, ce que chacun reprenait sans discuter et avec joie.
L'après midi devenait de plus en plus brûlante , le soleil au maximum, le ciel d'un magnifique bleu azur, temps idéal pour entrer le blé et la paille, un immense nuage de poussière entourait l'endroit, grouillant d'activité.
Les sacs se remplissaient, le blé donnait bien cette année, les hommes qui attendaient par moment à l'arrière sans rien faire, cherchaient à nous coincer, nous les enfants, pour nous enfermer dans les sacs vides, je détestais, et ne leur portais jamais à boire, je guettais le moment propice ou papa venait les voir, pour leur offrir des collations, et je me sauvais aussitôt, ils n'ont jamais pu m'attraper.
La fin de journée, arrivait, la grange se remplissait, les arches aussi, le "sol" était transformé par la poussière, la paille échappée qui traînait, des petits tas de blés qui allaient faire la joie de la volaille et des oiseaux demain, quand tout aurait disparu.
Tout se termine vers 18h passées, mais avant d'aller manger, nombreux partent chez eux, s'occuper de leurs bêtes, les rentrer, les traire, faire téter les veaux, et reviennent ensuite, car tout ce travail et fin de moisson se fête comme il se doit, c'est une tradition, perdue aujourd'hui, dommage.
Ils reviennent donc plus tard, vers 19h30, lavés , changés, tout est comme à l'arrivée, comme si rien ne s'était passé sur eux, à peine l'air fatigué, papa ne pressait jamais personne, tout était fait tranquillement, c'était pour tout ainsi, sauf pour rentrer le foin. Son travail était aussi d'aller les couper ailleurs et les botteler, et il passait des jours et parfois les nuits quand le temps était trop menaçant à cela.
Et tous de s'engouffrer, au fur et à mesure de leur arrivée, dans cette cave ensoleillée par les lumières artificielles, de s'installer cette fois tranquillement près de celui de midi ou choisir un autre pour parler d'autre chose, et le repas commençait ainsi, maman en haut à fignoler, sa soupe au fromage tant appréciée et attendue à chaque fois, ensuite suivront les plats de charcuteries maison, pâtés, fritons, saucisse à l'huile, saucissons, jambonneau et délicieux jambon le tout avec des cornichons.
Viennent ensuite les pommes de terre sautées avec des cèpes et girolles, les haricots verts et beurre, souvent boudés, accompagneront les rôtis de porc, et poulet au four, ou lapin en sauce avec des champignons de paris.



Suivront ensuite les fromages, Roquefort, Cantal, fromage blanc ou en cabécous que maman fait elle-même.
Le vin et l'eau coulent à flots par nos soins.
Tous mangent avec appétit et de bon cœur, et font honneur à tous les mets, racontent des histoires pendant quelques coupures, font tousser ou étouffer de rire, mais n'arrêtent en rien ces êtres heureux de vivre, de festoyer, et déguster et se délecter.
Mais ce sont des soupirs et murmures de joie à l'apparition des desserts, tellement attendus, les tartes aux pruneaux, et à la crème sont tellement délicieuses et bien garnies, l'eau de vie de prunes a généreusement parfumé les unes , le rhum les autres pour leur plus grand plaisir. Les échaudés trempés et gonflés dans le vin sucré sont aussi très appréciés et tout est dévoré….



Tout n'est pas terminé là, le café suit, ainsi que la goutte, et les liqueurs faites par maman, avec l'eau de vie de prunes de la maison, pur délice, très appréciés, et dégustées avec lenteur pour mieux en goûter leurs saveurs. Les histoires s'égrènent, les chants s'élèvent, et tonton Germain merveilleux musicien, qui accompagne et anime avec son harmonica de façon exceptionnelle, ces artistes d'un soir de fête…
Tous repartirons heureux d'avoir passé une si belle journée ensemble, et disparaîtrons dans cette nuit étoilée.
Pour papa ce n'est pas terminé, il va aller tout mettre en place pour repartir et installer tout, ailleurs, dans une autre ferme pour recommencer au matin suivant la même chose, peut être pas toujours dans une ambiance aussi sympathique et magique, mais c'est encore un recommencement…
Pendant que, ma sœur et moi, nous rangeons tout dans la cave et la débarrassons, pour remonter les restes à l'étage, nous entendons et revoyons passer papa avec son tracteur et ses machines, nous entendrons longtemps encore son tracteur qui manifestera souvent son énergie bruyamment aux endroits difficiles à passer ou grimper.
Bien plus tard ce sera le son de la moto de papa que nous percevrons, il reviendra dormir un peu, avant de repartir vers 4h du matin à l'endroit où il a laissé son matériel prêt à dépiquer….où d'autres connaîtrons les mêmes émotions….
nanou

Les articles présentés dans ces archives couvrent 12 ans d'actualité naucelloise. C'est une contribution importante à la mémoire du village aveyronnais de Naucelle.Le contenu - textes et images - a été élaboré par André Bec et moi-même, avec un part prépondérante du premier cité depuis quelques années.

Le systéme dynamique de gestion de contenu, qui avait prévu l'archivage dés l'origine, a été imaginé et créé par mes soins, je l'ai programmé en languages PHP, CSS avec un peu de JavaScript.
Le logiciel a fonctionné sans failles notoires depuis 2005, mais il commençait à dater, notammentau niveau de la sécurité et une mise à jour était nécessaire. Les fonctions dynamiques ont donc été inertés et le contenu rendu accessible grâce à cette archive dont la valeur sera, je pense, de plus en plus apprécié au fil du temps qui passe.

Quant au nouveau naucelle.com,il bénéficie donc de la toute nouvelle version du Chant de l'Alouette (version 6) ,J'ai choisi ce nom car mon systéme est léger et nâtivement francophone. Deux choses assez rares.Cela me prend du temps, mais au moins, même si ce n'est pas le Pérou, j'ai la satisfaction de pouvoir proposer des sites sans dupliquer WordPress and Co

Hubert Plisson
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